Si l’on résume souvent Rossini à son Barbier de Séville et sa Cerenentola (Cendrillon), le génie du cygne de Pesaro a accouché de maintes autres perles bouffonnes, à l’instar du Comte Ory que présente l’Opéra de Lyon à la fin de ce mois de février, ou de l’Italienne à Alger, qu’avant de retrouver à Paris dans la production éprouvée d’Andrei Serban, on peut entendre à Avignon, où elle connaît l’affiche pour la première fois. Injustice désormais réparée grâce à l’habile mise en scène de Nicola Berloffa, élégant sérail de pacotille qui émerge de brumes orientale dont les senteurs d’encens enivrent le lever de rideau. Le plateau tourne, les couleurs et la tête de Mustafa aussi avec cette italienne qui débarque en fourrure et se montre prête à tout pour retrouver son cher Lindoro et qui fera sacrer le bey « pappataci » afin de s’enfuir sans qu’il y trouve à redire – c’est le contrat : bien manger et bien dormir ! Entre exotisme et surréalisme, c’est la raison des épouses légitimes qui aura le dernier mot et tournera en ridicule les prétentions du sexe fort à dominer le faible. Humour et poésie se donnent allègrement la main dans ce spectacle léger et enlevé, pour le plus grand plaisir du public, de Provence comme d’ailleurs.
Isabella reine de la soirée
D’autant que le rôle-titre, la mutine Isabella est incarnée par l’une des plus sûres pointures du bel canto du moment et que l’on n’avait pas encore invitée à Avignon : Silvia Tro Santafe. Solide mezzo aux registres variés, elle témoigne d’un caractère aussi trempé que son métal vocal, idéal pour l’espiègle ritale de Rossini. Un sens du style qu’elle partage avec Armando Noguera, vaillant Taddeo également applaudi. A défaut de la souplesse que l’on y rêverait, on reconnaîtra à Julien Dran l’impulsivité de la jeunesse, atour principal de son Lindoro, tandis que Donato Di Stefano se contente de la corde zygomatique pour Mustafa. N’oublions pas non plus le Haly de Giulio Mastrototaro, ni Elvira et sa servante, Clemence Tilquin et Amaya Dominguez, qui pimentent agréablement les ensembles – avec le chœur de l’Opéra d’Avignon préparé comme de coutume par Aurore Marchand – de cette fable sur la ruse des femmes et des sentiments. Pour diriger le tout, on a fait appel à une des incontournables baguettes dans ce répertoire, le très italien Roberto Rizzi-Brignoli, qui fait pétiller le champagne Rossini comme il se doit. Et avec l’Italienne, toute cuvée est bonne à prendre.
Par Gilles Charlassier
L’Italienne à Alger, Opéra d’Avignon, 2 et 4 février 2014