Gérard Mordillat aime les femmes. Il les aime toutes, qu’elles aient « des poitrines opulentes… des ballons siliconés… de beaux petits seins tout ronds et délicats comme ceux de Xenia. ». Chez Mordillat, les femmes sont libres dans leur corps et dans leur âme et elles aiment faire l’amour. Xenia s’offre à Biglouche qui lui a changé les quatre pneus de la Twingo, à Samuel, l’ado métis qui était encore puceau et caresse aussi Blandine, sa meilleure amie avec qui elle partage un lit nuptial déserté par leurs hommes. Sans complexe. Sans culpabilité. Sans chichis, sans jalousie. « Tu voudrais que je sois jalouse de chattes de passage ? Tu rigoles. Si ça lui fait du bien de faire le matou, ça me fait du bien aussi et ça ne peut que renforcer notre amour. »
Et elles ne sont pas toutes perdantes, ni perdues comme dans les romans de Zola à qui Mordillat emprunte les grandes fresques sociales. Non. Xenia sera sauvée par l’amour de Gauvain, un patron de banque qui se sent emporté comme disait Marx, « dans les eaux glacées du calcul égoïste. »
Zola moderne
C’est le côté « fleur bleue » de Gérard Mordillat. Il est ainsi; à 65 ans, ancien de 68 – Sorbonnards, Maos, gauche prolétarienne… – il est resté fidèle à ses idées, à la générosité de ses vingt ans. Mais là s’estompent les couleurs tendres, car Xenia – comme ses précédents romans – Notre part des ténèbres ou Les Vivants et les Morts – met en scène les dévorateurs de chair humaine : les grandes surfaces, la mondialisation, la finance, le chômage. Le mâle est sauvage, le petit chef à vomir, les exclus de la société ballottés au gré des P.S.E. (plans de sauvegarde de l’emploi).
Comme chez Zola, il y a des insoumis chez Mordillat. C’est Samuel que la colère illumine et qui connaît par cœur Malcom X. Et c’est aussi Xenia à l’origine d’une déflagration finale : « C’est une folie. C’est une guerre. C’est une liesse (…) dans une acclamation de soldats vainqueurs sur un champ de bataille.» Xenia, le « don fait aux autres », avec ce dernier livre, Gérard Mordillat n’a pas dévié d’un iota, n’a trahi ni sa classe, ni sa jeunesse, toujours « du côté de ceux quels qu’ils soient, qu’on humilie et qu’on abaisse. »
Par Dominique SAINT-CLAIR
Xénia publié chez Calmann-Levy