De quoi sera fait demain pour ceux qui ont pour métier d’informer? A en juger l’Ecole de journalisme de Sciences Po, et son directeur, Bruno Patino, numéro 2 par ailleurs de France Télévisions, passé par Télérama, Le Monde et France Culture – rien de très rassurant. Une journée coincée dans un amphithéâtre du 27 rue Saint Guillaume-rebaptisé par les étudiants de Sciences Po -Apple store vu les ordinateurs un peu partout, y compris ceux des apprentis-journalistes présents ce jour-là- et le constat est accablant: le web sera omniprésent et « Grumpy cat »-incontournable. En associant Sciences Po au lancement de Buzzfeed France en novembre dernier, on pouvait déjà s’inquiéter que les futurs reporters soient associés à un site d’une débilité navrante. Aussi le premier intervenant américain de la conférence annuelle de l’école qui fêtera ses dix ans en 2014, posait-il une très bonne question: « Le journalisme aujourd’hui est-il le meilleur ou le pire de tous les temps? ». Crise de la presse papier, contenus premium (payants) sur internet, l’époque est rude pour les media qui érigent des murs de sable pour stopper la crue… et ne peuvent rien contre ces photos de chats ( un million de vues par mois) qui attirent à eux-seuls plus de clics que tous les articles publiés. « La période n’a pourtant jamais été aussi bonne si vous voulez trouver une information ». Soit. Reste que cette absence de filtres est terriblement dangereuse comme l’a montré Wikileaks (ne ratez pas Le Cinquième pouvoir sorti ce mercredi en salle-lire article ) tout comme cette idée que tout le monde peut devenir journaliste à l’image de cet Américain qui a passé des heures à recouper les vidéos sur Youtube postées de Syrie. « Qui va payer mon salaire si tout le monde peut faire mon job? » demande alors une journaliste dans la salle. Une école de journalisme belge réputée vient d’ailleurs de fermer ses portes, son directeur ayant dit selon une étudiante présente dans la salle, « ne pas vouloir former de futurs chômeurs ». Alors, à Science Po, on essaye de surfer sur la vague et avec des invités venant de CNN ou la BBC pour montrer aux étudiants l’importance du second et même troisième écran, même si dans les exemples, cela aboutit à avoir un scoop sur la tenue de Jane Fonda ou un avis de recherche en live après le passage du typhon aux Philippines. Une course aux « shares » ou aux tweets ( en allant voir le fil consacré à la conférence, on réalise à quel point cela n’informe pas…) qui paraît faire bien peu de cas de la qualité éditoriale, à l’image de l’interactivité avec le spectateur qui permet de demander à Michelle Obama, venue défendre en studio l’Obamacare, « ce qu’elle fait pour rester en forme » … Rien à attendre de mieux côté vidéo: » Pas plus de 15 secondes -le format Instagram- si vous voulez être cliqué et vu ». A ce rythme, on ne voit pas très bien ce que l’on pourra apprendre avec un reportage durant moins de temps qu’un pré-roll ( films de publicité) qui atteignent sur internet 25 secondes! En conclusion, une vraie geek, Amy Webb présenta en anglais sans traduction -ici, on est international que cela soit bien clair- les lunettes Google et acheva de confirmer que le bon titre de presse est désormais quasiment celui d’un film de Woody Allen: « X choses que vous devez savoir sans oser le demander ». Albert Londres en tremblerait…