C’est à la lumière bleutée qui colore le plafond qu’en ces jours d’octobre, le signal du jour qui commence est lancé. La télévision en accompagnatrice incontournable dans beaucoup de foyers lance alors « ses matinées » entre les dessins animées pour donner aux enfants envie de se réveiller, d’autres « Bisounours » avec Bruce Toussaint –Dormez, vous êtes sur I Télé– ou un peu plus tard, les inoxydables Maternelles sur France 5: bonne humeur, rires et des phrases gnangnan pour parler une centième fois de l’allaitement, des doudous et de ces enfants-qui-nous-apportent-tant-de-bonheur-malgré- leurs-petits bobos-et-nos-gros-tracas… Zappez, vous êtes sur la gaine pour maigrir, des reportages anxiogènes ou des séries américaines à hurler de bêtise à l’instar de Cyril Hanouna qui, à lui tout seul, résume l’époque lénifiante dans laquelle nous vivons. Avec ses rediffusions à gogo, le robinet de la TNT nous refile à l’envi son Touche pas à mon poste qui séduit un million de spectateurs, avec des chroniqueurs has been voire « never be » -payés 400 euros l’émission pour se mettre au niveau du talent et des blagues « low cost » de leur chef de gare -bref de saison. BFM TV déverse quant à elle, après Bourdin, le faux grand méchant loup auquel on aurait envie de faire bouffer son maxi micro, son flot de drames de l’actualité avec, ce matin-là, un reportage plein de suspense. Un Syrien-vous savez ceux qui meurent par milliers depuis deux ans- essayant après le naufrage de leur bateau près de Malte -cette fois, les réfugiés parlent anglais et nous ressemblent- de récupérer ses deux jeunes enfants qui ont été envoyés à Lampedusa. Enfin le croit-il. Le fils aîné, la mère, le reporter interviewe toute la famille. On se croirait presque dans une émission de téléréalité sur TF1; oui mais, voilà, un téléphone portable à l’oreille plus tard, c’est la mort de ses deux fils âgés de un et quatre ans, noyés comme tant d’autres, que l’homme apprend. La caméra est là, gros plan sur le visage, pour filmer ce dénouement qui jette comme un froid dirait-on. Mais le chef d’édition doit être content avec ce que l’on appelle une séquence émotion, il y en a si peu à cette heure-ci; une Barbie et un Ken des plateaux reprennent derrière, passons au foot. La télécommande dans la main, il n’y a plus qu’à appuyer fermement pour éteindre l’écran de verre obscène et débilitant, à défaut de le balancer par la fenêtre ce matin-là.