La culture est bien souvent traitée par les médias-écrits ou audiovisuels comme un « poisson mort ». Bien posé dans un plat plus ou moins joliment décoré, vanté par l’animateur ou journaliste qui pourrait presque dire comme un serveur en soulevant la cloche, « bonne continuation »…De la vie, il n’est point question; le voir nager dans la mer, savoir comment il a été pêché ou ensuite le regarder faire le bonheur des convives, rien de tout cela n’est montré. Et après, on s’étonne que la culture ne marche pas à la télévision et fasse les dernières pages des magazines, quand elle n’est pas, comme de plus en plus aujourd’hui, assimilée à du « people ». Vous me direz, au moins dans ces cas-là est-elle vivante! Daniel Schick a lui choisi une autre voie pour qu’elle sorte de la naphtaline. Après cette très jolie émission diffusée pendant l’été 2010, Sous le soleil, les étoiles, le revoilà sans apparaître à l’image, dans un miracle d’émission, Aux Arts Citoyens sur France 5. JimLePariser en rêvait (sauf que diffusée à 8heures 45 un dimanche, heureusement qu’il y a pluzz), ce journaliste bien connu des auditeurs de France Inter et d’Europe 1 l’a fait: montrer des vrais gens, des « artmoureux » se nourrir de culture.
Des anonymes, guides d’un jour
Avec leur coeur et leurs émotions, de quoi désinhiber n’importe quel téléspectateur devant Michel, le cuisinier, Miloud, le vigile ou André, cet ancien interné en hôpital psychiatrique. Pas question pour autant de faire dans le social…les commentaires pleins de poésie « l’art donne du relief où le sol est plat » se mêlent aux explications de ces guides d’un jour qui parlent avec une intelligence rare de « leur musée », ces « lieux dédiés aux muses » auxquelles ils doivent leur nom. Le voyage débute dans le nord, à Lewarde où la mine n’est plus vivante que dans ce musée où c’est un ancien mineur qui raconte ces années où dès l’âge de 14 ans, ils descendaient au trou; des tableaux, la salle où tous se déshabillaient pour mettre la tenue de travail- le montage est dynamique, intelligent avec des personnages qui s’entrecroisent comme ce rappeur qui décrit ce pays où Germinal est encore dans toutes les mémoires. Voilà ensuite le LAM à Villeneuve d’Asq, le bâtiment dédié à l’art brut, l’art des « fous », qui sans référence culturelle sort de l’imagination d’hommes comme André Robillard, interné jusqu’à découvrir sa voie; il est exposé désormais dans ce musée qui abrite Dubuffet, Modigliani, Richard Deacon et sert lui aussi de guide, harmonica aux lèvres.
La culture participative
« Quand je crée, ça m’enlève le cafard » dit-il; cela donne de la fierté aussi, ne serait-ce que de côtoyer toutes ces oeuvres se dit-on en écoutant Miloud, gardien de La piscine, un sublime bâtiment réhabilité en musée à Roubaix. Ce sera ensuite Sète, et le musée Paul Valery à côté de « ce toit du monde où marchent des colombes », Caen et son musée des Beaux Arts où l’on mange du canard devant une nature morte flamande et où l’on danse devant un Bruegel, Lyon et ses marionnettes, Céret et ses 53 Picasso et enfin, le meilleur pour la fin, ce château d’Oiron dans le Poitou, réhabilité en temple de l’art moderne où toutes les oeuvres ont été conçues sur place avec notamment cette salle aux assiettes aussi esthétique que pleine de sens; sur chacune est tracé le profil d’un des villageois qui chaque année se réunissent pour festoyer, chacun ayant droit de décrocher alors son assiette. L’art interactif , cela sans faire appel à une quelconque technologie-juste replacer l’homme au centre des choses. Voilà ce que voulait la Renaissance, et qu’après Montaigne ou Erasme comme le donnait à entendre La Grande Librairie ce jeudi soir, des hommes et femmes de bonne volonté tentent de faire comme dans cette émission ou, c’est notre souhait, sur ce site.
Par Laetitia Monsacré
Aux arts citoyens-Le choix des Muses de Daniel Schick diffusé le dimanche 12 mai à 8 heures 45 sur France 5 pour les lève-tôt et pour les couche tard, les trois épisodes suivants le 18 mai à 23 heures 30