Alex est un comédien réputé, adulé par le public. Chacune de ses prestations lui vaut de véritables ovations. Un soir de première où il s’apprête à interpréter sur les planches le célèbre personnage d’Alceste le Misanthrope de Molière, surgit, face à lui, dans le miroir de sa loge, Alceste lui-même. S’instaurera alors un dialogue entre ces deux êtres, l’un fictionnel, l’autre réel, sur la question de la nature humaine mais aussi sur le rôle du comédien qui doit s’oublier et se fondre dans son personnage pour ne faire qu’un : « Ce que mes proches appellent Alex n’est que mon rôle habituel, un caractère que je privilégie, le costume dans lequel je traverse la vie ».
Eric-Emmanuel Schmitt réadapte dans son dernier ouvrage, avec finesse et drôlerie une version du ce personnage qui vient d’inspirer au cinéma Philippe Le Gay pour son savoureux Alceste à Bicyclette. Il dépeint les caractères de deux personnages aux conceptions différentes de la vie : Alceste est un homme grincheux, effroyablement pessimiste et ne croit pas en la vertu humaine : « Mieux vaut ne pas aimer qu’aimer mal à tout prix ». Alex, lui, malgré son métier de comédien qui lui impose de prendre les traits de cet homme au caractère défaitiste, ressemble davantage à Philinte l’ami de celui-ci, dont l’humeur constante, ne cherche en aucun cas à offenser autrui : « Je préfère celui qui souvent s’émerveille, sourit, plaisante, jouit, à celui qui rugit ». L’auteur présente également avec humour d’autres personnages identifiables à ceux de la pièce de Molière : Léda l’actrice que tout le monde s’arrache est Célimène ou encore Odon Fritz le metteur en scène raté qui fait furieusement penser à Oronte, le poète déclamant ses vers à tue-tête devant Alceste et Philinte.
On retrouve en tous les cas dans ce livre, le style léger et poétique d’Eric-Emmanuel Schmitt ; les situations sont amusantes, les répliques bien enlevées, empruntant de temps à autre le langage fleuri du 17ème siècle, le tout bien amené. Et pour ajouter au plaisir, ce livre fait l’objet d’une adaptation au théâtre qui se joue à la Gaité Montparnasse jusqu’au 12 mai 2013, alors profitez-en !
Par Elise David
Un homme trop facile, de Eric-Emmanuel Schmitt, publié chez Albin Michel, 14 euros