Ils sont six en scène accroupis devant des enceintes diffusant longuement une musique électronique; les jeunes dans la salle semblent apprécier, le sourire aux lèvres. Les plus âgés affichent des visages plus dubitatifs. Puis une femme arrive en scène racontant en estonien sous-titré comment les coupes budgétaires menacent la culture dans ce pays jusqu’alors célèbre pour ses chorales traditionnelles et tente pleine d’endurance de faire applaudir le public dans la salle. NO93 n’est pas une pièce mais une performance qui plaira peut être à Télérama et aux Inrocks pour l’inventivité avec laquelle les comédiens montrent les difficultés liées à toute création culturelle. « Ce pauvre artiste qui ne voient dans ses oeuvres que ses propres limites » et qui comme Joseph Beuys pousse l’exercice jusqu’à marcher la tête enduite de miel et de poudre d’or devant ses tableaux en les présentant à un lièvre mort. Des lièvres qui sous la forme de déguisement, seront les témoins de ces hommes et femmes ballotés au gré des désiratas ou diktat de ceux qui ont le pouvoir car l’argent- scène hilarante de ces comédiens loués pour la soirée afin de distraire les enfants du producteur. Certains sombrent dans l’alcoolisme-en couple et avec de la vodka- devant la difficulté de « rendre meilleur et plus intelligent » le public-ici, profession de foi de tous ceux qui se réclament comme des artistes. Tout cela est démontré avec beaucoup d’intelligence mais dieu que c’est long. Pourquoi imposer deux heures trente sans entracte sur des fauteuils dont mon voisin- antiquaire- m’a souligné la dureté inconfortable malgré la rénovation couteuse du théâtre. Comment après une journée de travail imaginer pouvoir supporter que des cultureux vous imposent cela? Ainsi le spectacle tombe-t-il dans ce qu’il dénonce- mais peut-être est ce fait exprès à coup de répetitions et avec un rythme ralenti qui s’il séduit au début fait bailler tout le monde sur la fin. Dommage car resserré, ce « Comment expliquer des tableaux à un lièvre mort » aurait été aussi bien.
LM
Jusqu’au 10 novembre au Théatre de l’Odéon puis suivi de deux reprises-Cendrillon aux Ateliers Berthier et Le tramway du metteur en scène polonais Warlikowski, relecture totalement tordue et discutable qu’Isabelle Huppert illumine avec courage.