Thomas Hugues n’a jamais été une star; sans doute cela lui a-t’il fait perdre son JT chez TF1 où l’information est un produit marketé pour vendre de la publicité, avec de loyaux serviteurs comme Claire Chazal ou feu PPDA. Une interview bidon de Castro ou un enfant ramené dans ses bagages, des aventures relatées dans Voici et un agenda de people, très peu pour lui. Il fait juste son métier avec cette idée que « l’honnête homme » cher à Montaigne est sans aucun doute le meilleur modèle en toute chose. Tout comme la discrétion, refusant d’avoir un compte Facebook, « par pudeur et par crainte » sans compter que celui qui a découvert le journalisme à la faveur d’un stage dans le quotidien Sud Ouest souligne « avoir le principe de neutralité ancré en lui ». Alors, tous les dimanches, à l’heure où le déjeuner familial peut vous imposer des lieux communs confirmant que l’intelligence est chose bien mal distribuée, il est là, sur son plateau de Médias le Magazine, décryptant l’actualité sans concession avec son équipe, démontrant que la générosité dans la pensée est chose à partager. Enquêtes minutieuses, regard décalé, une heure plus tard, on se sent souvent comme »honoré » d’avoir été laissé libre de penser au vu des sujets ou des plateaux, loin de tout dogmatisme. Depuis septembre, l’émission joue d’ailleurs le jeu du « double écran » qui permet de réagir en direct pour le spectateur, « une vraie cohérence avec l’horaire de diffusion et le fait que l’on touche un cercle de fidèles ». Fidèle, il l’est lui aussi -dix-sept ans à TF1, cinq ans déjà à France 5- tout comme avec ses journalistes qui semblent entrer dans son bureau à l’envi. Un bureau à son image-pragmatique, à un jet des sièges sociaux de la plupart des chaînes de télévision, sans rien d’ostentatoire- Le Sept d’or gagné lors de leur ultime édition en 2003 pour 7 à 8 y côtoyant un petit dessin « Je t’aime papa ». Et où il offre un thé à son visiteur auquel il offre le privilège de choisir son mug…
Vous qui avez débuté dans la presse écrite, comment jugez-vous l’arrivée d’Internet dans le métier de journaliste ?
C’est une révolution qui amène le journaliste à se poser des questions sur son métier et sur la façon de le faire évoluer. J’ai tendance à être optimiste par nature. Je pense qu’à long terme cela améliorera le métier, avec la possibilité de travailler en réseaux et plus d’exigence quant à la véracité des informations. Regardez le fast-checking! En matière de politique, c’est déjà un vrai progrès qui a obligé les médias français à plus de pugnacité. Internet, ça challenge; dès lors que tout le monde peut s’inventer journaliste, cela renforce cette idée qu’il faut une validation par des professionnels. Maintenant, pour certains comme les photoreporters, c’est devenu quasiment impossible de lutter contre le smartphone de celui qui passait au même moment par là…
Médias le Magazine est arrivé comment dans votre carrière de journaliste?
C’est Philippe Vilamitjana qui m’a proposé l’émission en 2008, m’offrant avec ce concept la possibilité de mettre à profit tout ce que j’avais appris en dix-neuf ans de métier; les pièges où je suis tombé ou pas-selon. C’est la différence avec les chaînes d’information continue, cet aspect « observateur ». L’audiovisuel bougeait pas mal à l’époque et il y a eu beaucoup de matière tout de suite. Aujourd’hui nous sommes une vraie bande avec, entre autres Alice Antheaume, (Madame Internet) qui est arrivée il y a un an et demi ou Laetitia Kruppa qui s’occupe des Coups de com– avec cette idée que les à-côtés sont souvent plus intéressants que le message lui-même; on essaye à chaque fois d’avoir ce « pas de côté », être en décalage notamment avec les politiques qui ont de plus en plus intégré les techniques de communication.
Comment décidez-vous de votre sommaire?
On arrive en fin de semaine alors il faut décider dès le lundi de quoi sera faite l’émission qui est enregistrée le vendredi; cette semaine (que vous pouvez revoir sur pluzz.fr) on a hésité entre l’amitié franco-allemande à l’occasion du 50 ème anniversaire du Traité de l’Elysée- l’occasion de pister les clichés- et comment les journalistes judiciaires rendent compte d’un fait divers aussi terrible que la mort de la petite Thyphaine, jusqu’où on va dans le dicible.
Quel souvenirs « vos années TF1 » vous-ont-elles laissés?
Ça commence à être loin…Je garde un bon souvenir de la présentation du journal télévisé- un exercice à la fois passionnant et routinier. Passionnant, comme lorsque juste avant de prendre l’antenne ou pendant, un événement intervient et qu’il faut alors la « casser »; ou encore, lorsque vous « décrochez » une grande personnalité, celle que tout le monde attend…La routine, elle, est inhérente à l’exercice, ce qui se passe avant l’antenne étant toujours plus intéressant que l’antenne elle-même. La course à l’audience? TF1 est une chaîne privée qui vit de la publicité. La pression y est forte, c’est normal mais on n’a jamais fait le conducteur du journal en fonction des audiences de la veille.
Quels sont vos désirs pour les années qui viennent?
Je me vois à Médias le Magazine encore longtemps. C’est l’émission qui me ressemble le plus depuis que j’ai commencé à faire de l’antenne…Maintenant, si un patron de chaîne me
propose un magazine politique…
Le taxi qui doit le conduire à une projection, est arrivé. Thomas Hugues quitte la chaise de son petit bureau où le visiteur a eu autant d’espace que lui. Sur le mur, une affiche de Ben encadrée « Ça pourrait être pire »… Comme pour Médias le Magazine, l’heure a filé-on ne l’a pas vue passer.