«Imaginons que ça se passe juste derrière la porte… », tels sont les derniers mots de Tell me lies avant un fondu enchaîné sur une porte entrouverte, se noyant dans le blanc cinématographique comme une question sans réponse. Avec Tell me lies Peter Brook interroge ses contemporains sur la guerre du Viêtnam qui s’enlise et suscite alors maintes protestations. Mêlant archives et écriture scénographique, on se retrouve au milieu d’hommes politiques britanniques tergiversant par pragmatisme, de militants pacifistes ou devant le Dalaï-Lama à lui demander ce qu’il pense de l’exemplaire immolation par le feu d’un moine bouddhiste en guise de révolte. Plutôt que de prendre parti, le célèbre homme de théâtre met en scène les coulisses des opinions qui s’opposent. On ne trouvera pas ici de prise de position claire dans ce long-métrage brouillant les frontières entre documentaire et fiction et jalonné de chansons d’une dérision parfois macabre. Plus que l’apparente déconstruction du scénario très nouvelle vague – et peut-être un peu daté pour nos habitudes de cinéphiles revenus vers une narration plus linéaire – , c’est sans doute ce qui a le plus dérangé les spectateurs à sa sortie en 1968. Car au fond, que l’on soit pour ou contre la guerre, on n’en juge pas comme si ça se passait juste derrière notre porte…Un travail de désillusion que Peter Brook a restauré en 2011 et où l’on peut s’immerger à nouveau, sans davantage de réponse, si ce n’est celle de notre mauvaise conscience…
GL