Je m’en suis fait presqu’une amie, chantait Reggiani,
Ne me quitte pas, hurlait Piaf,
Seul mais peinard, se flattait Ferré,
Longtemps je t’ai cherchée comme une perle rare, poétisait Moustaki
Et soudain, elle est là, quand Barbara la démasquait, cette solitude, couchée sur la couverture du livre de Catherine Millot, qui vient de paraitre dans la belle collection « l’infini » de Gallimard.
Psychanalyste et écrivain, elle revient après le très réussi la Vie parfaite, paru en 2006 pour disséquer ces pans de vie, amicaux ou odieux où la solitude s’invite, acceptée ou non. O Solitude avance ainsi sur ce terrain délicat sans jamais bousculer l’ affectivité du lecteur et le guide pour apprécier et accéder à ce que la vie offre si nous l’organisons positivement en créant nos propres moments de solitude; le « détachement intérieur », le « repos social », la « vacance des obligations ».
Une vacance sociale riche de bonheurs qui peuvent alors surgir car d’après l’auteur, « La solitude, c’est ce qui laisse le champ libre à ces associations fortuites entre les sensations présentes et celles du lointain passé qu’elles ressuscitent, à ces ravissements ténus, presque insaisissables, énigmatiques ».
Le livre nous entraine ainsi dans l’analyse psychanalytique du vécu de la solitude à travers les analyses de Freud et Lacan en particulier puis nous fait cheminer dans la riche expérience d’écrivains tels que Proust que la maladie isola, Flaubert, pour lequel la dimension d’ « ennui à crier » de la solitude prévalait ou encore Goethe et la dimension d’abandon de soi afin « que se dissipe toute lassitude ».
Il recense également tout ce qu’elle permet: la lecture et les « companion-books ». Et Catherine Millot de citer Barthes, un livre « plus qu’une rencontre amoureuse, c’est parfois une rencontre destinale, qui produit « une jubilation, une extase, une mutation, une illumination, une conversion ». Mais également, l’écriture ou toute autre réalisation. La solitude, « celle de l’artiste, du philosophe, du bricoleur, donc accessible à tous »qui rend disponible aux choses de la vie avec « les bruits qui montent de la rue, la lumière qui filtre à travers les rideaux, tout devient promesse de bonheur et le bonheur est dans la promesse ».
Et la part de l’autre dans notre vie ? Catherine Millot ne l’oublie pas « la solitude rêvée est une solitude entourée …la solitude la plus délicieuse, la plus paisible est celle où l’autre est présent, et ne vous demande rien » … à moins qu’elle ne soit une « quiétude insexuelle« -on pense alors au livre de Sophie Fontanel, l’Envie.
Mais pour ceux qui pensaient que l’on puisse trouver «l’être qui vous justifie d’être » la solitude peut se vivre comme « une angoisse blanche » « une pétrification intérieure » ou un état de malaise intermittent. Catherine Millot nous avoue qu’elle dut elle-même« trouver des parades ». « Ce que Colette appelle justement« la catastrophe amoureuse » avait laissé dans ma vie (cette) séquelle » et si « dans la journée, la solitude me semblait loin, et au lieu de me peser, se confondait au contraire avec la liberté, lorsque le soir venait, je la sentais monter ».
Tout le livre de Catherine Millot résulte donc de cette recherche qui tend à jouir de la solitude sans en souffrir, et de savourer cette victoire quand, avec une sensation de légèreté, « la vie a atteint son dimanche » avec l’idée que « c’est peut-être cela la vie parfaite ».
par Marine Romane
O Solitude Gallimard, collection « l’infini » mai 2011 167 pages 16,50€
Extrait du livre lu par Christian Gonon, sociétaire à la Comédie Française à écouter sur Gallimard et extrait de l’interview de Catherine Millot à découvrir ci dessous