« Et nous, nous sommes ceux qui restons, de ce coté -ci des morts ». La phrase est de la poétesse Emily Dickinson. Et prend souvent son sens lorsque des hommes comme Coluche, Desproges et cette semaine Michel Polac disparaissent. On les imaginent alors au paradis en train de s’ouvrir une bonne bouteille et nous lancer un regard à l’occasion en se disant « bah dis donc, ils sont pas sortis de l’auberge! ». La génération d’aujourd’hui n’a pas connu et ne connaîtra sans doute jamais les plateaux télé de Droit de réponse, où tout le monde s’engueulait comme dans un diner de famille qui tourne mal. Les émissions de débat ont aujourd’hui viré au Bonne nuit les petits avec, il est vrai désormais ni alcool, ni cigarettes pour donner un peu de mordant aux invités. Et ce n’est pas Ce soir ou jamais avec ses sempiternels mêmes intervenants qui semblent tourner comme sur un manège- Marc-Edouard Nabe, Emmanuel Todd, et le public en train de boire de l’eau dans des verres en plastique colorés qui pourront donner l’illusion de redonner vie à ces dérapages non contrôlés et si vivifiants. Les émissions de débats sont désormais une scène où l’on vient « performer », le plus souvent de façon terne et attendue.
Il faut dire que celui qui signa en 1999, ainsi que d’ autres personnalités tels que Gilles Perrault, Pierre Bourdieu ou Hubert Reeves, un appel pour le droit de mourir dans la dignité : « Mourir digne, cela me semble juste. Je ne supporterais pas de partir réduit. Le souvenir que l’on laisse, c’est son empreinte. Un homme a le droit de vouloir laisser une empreinte digne » n’était pas un homme ordinaire. Né d’un père juif, pétainiste et mort à Auschwitz, neveu de Clara Malraux, c’est dès ses 17 ans, encore lycéen qu’il anima son premier journal distribué dans tous les lycées de Paris. Puis en 1951, à 21 ans, il fit ses débuts à la radio avec Entrée des auteurs, avec l’ idée de repérer les nouveaux talents du théâtre avant le célèbre Le Masque et la Plume, magazine public des lettres et du théâtre, lancé le dimanche 13 novembre 1955, émission inoxydable et encore diffusée sur France Inter avec maintenant aux commandes, Jérôme Garcin. Il écrivit également nombres de livres, cherchant partout le romanesque dans la vraie vie comme lorsque j’eus la chance de le croiser. J’étais alors en pleurs à table avec un homme au restaurant. Imaginant une scène de séparation, il fut très déçu d’apprendre en m’invitant à diner que c’était mon père et que mon chien vivait alors ces derniers instants…Ainsi, lui aussi vient-il comme il l’a joliment écrit dans son épitaphe » Touche-à-tout, (..) de toucher terre ».