C’est décidément une très belle fin de saison que nous offre le Théâtre Montparnasse et cela jusqu’au 28 juillet. Après Peggy Guggenheim (voir article) dans la petite salle, voilà l’Alouette, qui avait été créée ici même en 1953, dans la grande. Et Sara Giraudeau qui confirme qu’Anouilh et elle, c’est une rencontre comme un comédien rêve d’en avoir. Après sa merveilleuse incarnation de Colombe, cette actrice qui a tout d’un oiseau en joue à nouveau un, qui entra dans l’histoire puisqu’il s’agit de Jeanne d’Arc. Alors vous allez vous dire, la barbe, une pièce historique avec en plus une histoire qui finit mal…C’est sans compter une distribution étincellante-il faudrait tous les citer-pour une pièce qui, si elle ne fait pas partie de ce que cet auteur prolifique injustement boudé, a nommé ses » pièces brillantes » l’est tout du moins. L’esprit rivalise de bons mots pour un public auquel on offre une analyse d’une finesse qui n’a d’égal que l’humour avec lequel cela est fait. « Il était déjà parti et moi j’avais la France sur le dos ».
Jeanne d’Arc n’eut en effet pas la tâche facile, jeune villageoise seule contre tous- la scène où elle se métamorphose en jeune femme plein d’assurance avec Robert qui » pense trop » est hilarante- obéissant à des voix pour aider un idiot aux jambes trop courtes à devenir roi de France, à une époque « où il faut être premier prix de gymnastique pour être quelqu’un« . Entre Agnès, sa reine frivole et dépensière et cette église omniprésente, Charles ne voit en effet pas très bien pourquoi il la recevrait-« on connait toujours trop de gens » sans compter « que les envoyés de Dieu ne sont pas des rigolos ». Et ce Dieu, n’est-il pas en plus « toujours du côté des grosses armées, avec beaucoup d’argent »? Eh bien, non, plaidera Jeanne, cette Alouette à la fois si fragile, luttant contre la peur, et si forte; et c’est toute la grâce de Sara Giraudeau que de pouvoir en offrir les deux facettes avec pareil talent. La pièce qui, en racontant le procès fait à la célèbre pucelle revient sur ce chapitre peu glorieux de l’Eglise de France, et de la trahison de Charles, « l’aide divine c’est bien mais c’est louche « , choisit de finir sur le sacrement à Reims plutôt que le bûcher, « un peu vulgaire, un peu peuple ». Malheureusement ce ne sont pas les auteurs qui écrivent l’histoire…Reste que vue par Jean Anouilh et jouée comme ici, vous sortirez les yeux brillants comme tous les spectateurs de ce soir, avec mention spéciale pour Anny Duperey, l’heureuse maman de cet irrésistible oisillon qui vole désormais de ses propres ailes.
LM
L’Alouette de Jean Anouilh au Théâtre Montparnasse,