Une image paisible et mobile à la fois ; c’est celle de la caméra que Raymond Depardon a embarquée à bord de sa camionnette avec laquelle il sillonne la France, « ce pays que finalement il ne connaît pas si bien », lui qui au cours de sa carrière de journaliste et de photographe a parcouru le monde. On le voit à la recherche des images et des lumières justes : un morceau de lande, un groupe de quatre retraités sur un ban, pour les immortaliser dans sa chambre obscure. « Je fais toujours deux prises, par précaution », précise le réalisateur qui comme nul autre « sent » la France. N’a -t’il pas été choisi par François Hollande, ce président de tous les français pour réaliser la photo officielle?
Entrecoupant ce Journal de France, le plus souvent rurale que les fureurs de la mondialisation mettent chaque jour davantage à la marge, voilà Claudine Nougaret, son épouse et collaboratrice, qui raconte, images d’archives à l’appui, les étapes de la carrière de Depardon et sa rencontre avec le photographe. L’élection de Giscard, l’Afghanistan, le désert touareg, la plongée dans l’univers psychiatrique, l’immersion dans le quotidien d’une chambre correctionnelle ou de la police, Raymond Depardon est allé partout, saisissant avec ses instantanés la réalité sociale et politique, avec une compréhension et une compassion qui ne se veut jamais complice. Ces incessants allers-retours entre l’hier et l’aujourd’hui, entre le flou et le net, la couleur et le noir et blanc, impriment à ce film, présenté hors compétition lors du dernier festival de Cannes, un rythme inimitable, détaché des fureurs de l’actualité.
Un belle traversée au cœur d’une vocation et d’un engagement; à travers ces coulisses de la capture du réel, ces parcelles d’histoire et de sociologie, parfois oubliées par la mémoire collective, remontent à la surface à l’heure du bilan grâce à ce beau film. Une certaine mélancolie méditative apaisante et une bouffée d’authenticité qui par les temps actuels est plus que revigorante…
GL
Journal de France de Raymond Depardon – sortie le 5 novembre chez Arte Edition, 19,99 euros avec un bonus de 6 minutes où le réalisateur raconte lui même son projet