Dimanche, clap de fin pour Cannes et drapeau baissé pour le Grand prix de F1 de Monaco. Presqu’un mois après celui du Bahreïn. Bernard Henri Levy a fait de nombreuses références à la Syrie en présentant son Serment de Tobrouk, documentaire égotique sur « sa » Libye, en séance spéciale ce vendredi à Cannes. En oubliant comme tant d’autres le Bahreïn, petite île entre l’Arabie Saoudite et le Quatar, riche de pétrole et pauvre de droits. Monarchie, dirigée par le roi Hamad ben Issa el-Khalifa, elle est le théâtre depuis des mois d’une révolution réprimée dont personne ne parle. Le pays est interdit aux journalistes afin que les policiers puissent y tirer sur les manifestants à balles réelles à moins que ce ne soit les mitrailleuses des chars envoyés par l’ Arabie Saoudite via le pont qui relie les deux pays ensemble. Pourtant comme en Syrie, les manifestants sont pacifiques, sans armes. « Honte sur eux » crient et pleurent les infirmières auxquelles l’on interdit de soigner les blessés par balles ou ceux qui se sont fait passer sur le corps par des jeeps de l’armée. C’est tout cela, loin des circuit automobiles ou des » mall « géants que montre Stéphanie Lamorée dans Bahreïm, pays interdit, un documentaire terrible car au coeur même d’une révolution lorsqu’elle n’a rien de victorieuse et sans « happy end ».
BHL, ridicule et pompeux
Entrée comme touriste, c’est du côté des femmes qu’elle a choisi de nous montrer de l’intérieur la résistance, de courir un mois durant à côté d’elles quand elles sont chargées par la police ou tentent, la peur aux ventre, d’échapper aux gaz qui sont balancés partout dans les quartiers récalcitrants. De témoigner de ces arrestations, de ces disparitions, de ces corps mutilés que l’on rend aux familles qui lui ont demandées de filmer pour « que l’on voit », de ces jeunes qu’on condamne à 15 ans de prison, de ces avortements dûs aux gaz. De cette colère de lire sur les cartouches renfermant ceux-ci « Made in Pennsylvanie ». Courage, espoir, souffrance, voilà les trois mots pour résumer ce qui se passe là-bas, dans l’indifférence internationale absolue et ce que la réalisatrice donne à vivre avec un effacement dont BHL ne sera jamais capable. Que son égo ait pu déplacer des montagnes et permettre que la Libye soit débarrassée de son tyran, voilà qui n’est pas à regretter…Maintenant, la mise en scène de ses exploits, cette autosatisfaction permanente-mettant bout à bout des extraits où l’un des vrais protagonistes le compare à Voltaire, lui même faisant le parallèle avec Malraux ou avec les Français Libres; se baladant sur la ligne de front en costume, chemise blanche impeccable et lunettes de soleil-la scène d’archive avec Massoud est édifiante-, organisant ses réunions avec les chefs de guerre à l’hôtel Raphaël ou au café de Flore et enfin, réconfortant en faisant « tutut » un homme qui a vu son frère se faire exploser la tête par un sniper, on n’en croit pas ses yeux. Ni ses oreilles devant Schubert qui s’élève en fond sonore ou de ce commentaire pompeux, rappelant celui de Frédéric Mitterrand sauf que là, on ne parle pas d’un destin de star mais de gens qui meurent. La dernière fois que BHL avait osé faire un film, cela avait été un outrage au cinéma. Ce soir, on a eu droit à un outrage au documentaire avec en plus une énorme gaffe de Thierry Fremaux qui a cité deux noms de syriens qui risquent leur vie en sortant de l’anonymat. De quoi confirmer que Cannes doit se réserver pour les paillettes.
Par Laetitia Monsacré
Le documentaire de Stéphanie Lamourée sera diffusé le 12 juin sur Arte à 22 h 15