9 avril 2012
Le mari, la femme, l’amant

Il est, dans la pièce de l’écrivain sud-Africain, Can Themba, mise en musique et en scène par Peter Brook, beaucoup question de couleurs. Mais, comment en serait-il autrement alors que les héros sont des noirs qui vivent dans ce pays où quantité de lieux étaient interdits jusqu’à encore récemment aux « chiens et aux noirs »? Le décor, minimal et gai est ainsi composé de chaises aux couleurs vives et l’actrice chanteuse Nonhanhla Kheswa, est « à croquer », tel un bonbon acidulé tandis que son mari propose au public de partager un verre ou de se « passer » un joint imaginaire. L’humour est partout, la poésie aussi- on se lave et l’on s’habille sur « Summertime »;  mais voilà le drame rode. Et si l’homme qui s’échappe du lit de sa femme ne sera qu’un costume- d’où The suit, qui a donné son titre à la pièce- sans cesse restera-t’il  là,  entre cette femme et son mari qui ne frappe ni ne répudie mais souffre et fait souffrir, incapable de pardonner. La scène où il est dans son bus, accompagné de Schubert et tordu par la douleur de savoir qu’il est cocu est une merveille tout comme ces jeux interdits à la guitare qui accompagnent la voix magnifique de cette femme infidèle. C’est aussi l’ histoire  des townships qui nous est conté, gigantesques bidonvilles et lieux de misère, de cette violence faite en toute impunité aux noirs comme le récit que fait l’ami du mari, de cet homme, guitariste dont les policiers blancs coupent tous les doigts avant de l’achever de 34 balles. L’histoire finira mal, la belle voix chantant Myriam Makebe se taira à tout jamais,  mais la soirée aura été magique, et les applaudissements en conséquence dans ce théâtre des Bouffes du Nord particulièrement bien adapté à cette pièce musicale d’à peine une heure, et ô combien inspirée.

 

LM

Au Bouffes du Nord jusqu’au 5 mai-21 heures

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