Le 17 septembre dernier devant la bourse de New York, on ne comptait que quelques dizaines de manifestants venus exprimer leur colère face à la gestion de la situation économique par le gouvernement américain. Aujourd’hui, le mouvement Occupy Wall Street compte des milliers d’indignés à New York comme dans une centaine de villes américaines. Le 15 octobre dernier, déclaré journée d’action internationale, le phénomène s’est exporté sur les cinq continents. De Toronto à Séoul, en passant par Santiago du Chili, Londres, Rome, Nairobi, Hong Kong ou Sidney, les manifestations estampillées « Occupy » ont témoigné de la frustration mondiale face à la crise.
Liberty Plaza
Tout a commencé dans un parc du district financier de Manhattan. Situé entre la rue de Wall Street et l’ancien site du World Trade Center, c’est dans le parc Zuccotti, rebaptisé Liberty Plaza, que le mouvement Occupy Wall Street a installé ses quartiers. Envahi par l’encens, le son des percussions et les chants révolutionnaires, le parc a aujourd’hui pris des allures de siège. Les quelques trois milles mètres carrés ont été divisés en secteurs où s’organise la vie quotidienne qui dépend presque entièrement des dons que le mouvement reçoit en soutien à sa cause. Au centre du parc se trouve la cuisine ; un peu plus loin les espaces de soins médicaux, de méditation, de massage, ainsi qu’un atelier pour les banderoles et pancartes. Le coin média, équipé d’ordinateurs et d’appareils photos, s’occupe de la couverture des évènements en continu sur Twitter et Facebook, et de la publication du journal Occupy Wall Street disponible en anglais et en espagnol. La « Bibliothèque du Peuple », et ses centaines de livres, borde le parc. On trouve également un espace de recyclage des ordures dont l’équipe sillonne régulièrement le parc pour garder l’endroit propre. Ce processus a notamment été mis en place suite aux menaces du maire de New York d’expulser les campeurs pour nettoyer l’endroit, interdisant également à ces derniers de s’allonger ou de dormir sur place. Voyant dans cette requête un prétexte pour démanteler le mouvement, les manifestants ont entrepris de s’atteler à cette tâche eux-mêmes, ajoutant dans un communiqué que la vraie saleté était à la bourse de Wall Street. De la distribution des dons aux plans d’actions, toutes les décisions sont prises collectivement. La police ayant interdit l’usage de mégaphones, les manifestants ont recours à ce qu’ils appellent le « micro humain », un écho qui se répand de façon concentrique à travers la foule, pour faire circuler les informations et les slogans.
Objectif 20 000 manifestants
Le ralliement des syndicats à la cause d’Occupy Wall Street début octobre, a définitivement changé la donne. Professeurs, concierges, agents de sécurité, d’entretien, de la poste, des services de santé, mais également des membres du Congrès, des intellectuels, des artistes, tous se sont donnés rendez vous devant la bourse de Wall Street pour faire part de leur indignation. Les organisateurs espèrent ainsi augmenter le nombre de manifestants pour pouvoir atteindre leur but initial de 20.000 activistes à New York.
Liberty Plaza est également devenue une destination en vogue pour les visites touristiques et les sorties scolaires. Lorsque le soleil est de la partie, il est fréquent de croiser dans le parc des étrangers curieux, venus exprimés leur sympathie, ou des écoliers à qui on enseigne les fondements de la démocratie américaine par l’exemple d’Occupy Wall Street. Pour les étudiants plus âgés, les discussions avec certains membres du mouvement tournent autour de la façon dont les luttes pour les droits civils ont façonné l’histoire des Etats-Unis.
Occupy Wall Street se décline par ailleurs en plusieurs versions dont les plus connues pour l’instant sont Occupy the Hood (Occuper les Quartiers) dont les revendications sont plus centrées sur les difficultés que rencontrent les minorités face à la crise ; Occupy Museums (Occuper les Musées) qui appelle les acteurs, les musiciens, et les artistes à se rallier pour une démocratisation de l’accès à la culture ; Parents for Occupy Wall Street (Parents pour Occuper Wall Street) qui demande un accès plus juste à l’éducation et dont les membres viennent pour une nuit camper tous ensemble dans le parc avec leurs enfants.
Nous sommes les 99 %
« Combattre la corrosion du pouvoir des banques et des multinationales sur la démocratie » c’est ainsi que Occupy Wall Street définit son objectif sur son site internet. Le mouvement applique une démarche non violente et s’inspire pour ses plans d’actions du groupe Anonymous, qui utilise internet et les médias sociaux pour inciter à la désobéissance civile. S’inspirant ouvertement des évènements en Tunisie et en Egypte, Occupy Wall Street se décrit comme « un mouvement de résistance organisé horizontalement et employant les tactiques du Printemps Arabe pour restaurer la démocratie aux Etats-Unis. »
« Nous sommes les 99% » est devenu le slogan phare des manifestants. Leur but, dénoncer la façon dont les plus riches, soit 1% de la population américaine, décident des régulations qui soutiennent une économie mondiale injuste et dangereuse. Taxer les riches et arrêter les guerres dans lesquelles l’armée américaine est impliquée, cette solution est pour Occupy Wall Street un premier pas pour réduire le fossé entre l’argent que gagne ce 1%, et les dettes qui asphyxient les 99% restant de la population. Cependant, le groupe n’a aujourd’hui toujours pas établi de revendications claires. Les manifestants se sont réunis autour d’une cause commune plutôt qu’un but distinct. Et même si pour l’instant leur préoccupation est d’être entendus, Occupy Wall Street aura besoin d’établir une liste de requêtes bien définies si le mouvement espère un jour voir son action aboutir à des changements politiques au niveau de Washington. Et Paris? Pour l’instant, la capitale a du mal à s’éveiller…