Des pans noirs, une lumière bleue, Robert Wilson remplit le vide. La musique de Debussy s’élève pour du récitatif, qui pour les novices parait bien ennuyeux. Il faut parait-il quatre ou cinq fois écouter Pelléas et Mélisande pour y gouter… A l’origine, une pièce de théâtre symboliste créée en 1893 par Maurice Maeterlinck. Un drame intemporel, avec une atmosphère de légende, des personnages sans histoire et sans passé, une transposition du mythe de Tristan et Yseult. Debussy a cherché depuis longtemps à faire de la musique pour le théâtre. C’est dans le cadre de son 150ème anniversaire que l’Opéra National de Paris reprend cet opéra refermant tout l’univers d’absence et d’incommunicabilité du dramaturge belge pour inspirer au metteur en scène américain une scénographie aussi froide que le château d’Allemonde, où vivent reclus Golaud et sa famille. La célèbre gestuelle nô qui est la marque de fabrique du style Wilson semble aller ici d’évidence, tout comme la pureté des tableaux, « la musique, c’est du rêve dont on écarte les voiles ! » écrivait Debussy, avec un Philippe Jordan à la tête de l’Orchestre de l’Opéra, qui confirme un talent et une étendus de repertoire assez surnaturelle. A la fois précis et délicat, il sait distiller l’inimitable et subtile poésie de la musique de Debussy et peut compter sur un plateau vocal remarquable, avec Stéphane Degout – justement récompensé d’une Victoire de la musique – en Pelléas tout en sensibilité inquiète et âpre, à côté du Golaud robuste de Vincent Le Texier, Mélisande à la voix cristalline d’Elena Tsallagova ou encore Arkel à la paternelle tendresse de Franz-Josef Selig.
S’il a ses admirateurs et ses inconditionnels, ce théâtre raffiné peut en tous cas dérouter, voire faire fuir par son absence apparente de mélodie – un siècle que ça dure… mais qui a aussi ces inconditionnels dans une salle pleine à craquer et retenant son souffle.
LM
Jusqu’au 16 mars, à l’Opéra de Bastille, à Paris