Le Président de la République a en France beaucoup de droits. Et de devoirs, comme celui d’aller rendre visite aux agriculteurs chaque année sous les néons de la Porte de Versailles, quelques minutes avec ceux qui ont été présélectionnés sans doute par son service de communication, une tape sur les fesses de leurs vaches et l’on passe au suivant. En dix heures de visite, le candidat François Hollande est venu challenger cette fois le candidat de droite, payant de sa personne jusqu’à en doucher une et la brosser. Ah, les vaches, comme elles sont emblématiques…C’est d’ailleurs toujours elles que les journalistes gardent sur les images diffusées ou publiées. Race à lait ou race à viande, elles sont les vedettes alors que le secteur de l’élevage est aujourd’hui le plus sinistré du secteur agricole. 20 centimes le litre de lait, voilà ce que gagnent ces agriculteurs qui ont choisi de travailler quinze heures par jour, être 365 jours par an à la traite matin et soir , tout cela pour perdre de l’argent.
Deux suicides par jour
Édouard Bergeon, auteur du documentaire « Les fils de la Terre » était le fils de l’un d’eux. Un agriculteur qui en est mort. Suicide à 45 ans. Ils seraient 800 par an à faire ce même geste. On les croise avant cela dans les Tribunaux de Grande Instance, en colère ou abattus, convoqués pour que leur exploitation soit mise en liquidation, le plus souvent héritée de leurs parents qui la tenaient eux mêmes de leurs grands parents. « Est ce que ça vaut une vie? » demande Sébastien qui, avec ses 160 vaches doit aujourd’hui 500 000 euros aux banques, empruntés juste pour rester à flot. Il y a trente ans, son exploitation aurait fait vivre une dizaine de famille. Aujourd’hui, elle coûte de l’argent. Sa femme enceinte, ses parents retraités à la ferme, liquider ça veut dire les mettre à la rue, se retrouver chômeur sans formation, envoyer les vaches qu’il côtoie jour après jour à l’abattoir et devenir le fils indigne, celui qui n’a pas su conserver la ferme dont il a hérité. Alors, avant la traite, à six heures, la journée commence avec des antidepresseurs. Puis, bientôt, il y le lit qu’on arrive plus à quitter, les parents qui doivent à nouveau assurer la traite-la mère avec un masque car elle est devenue allergique aux vaches-puis un soir dans la cave, la corde qu’on passe autour du cou. Il aura de la chance, sauvé in extremis, hospitalisé de force. Sa ferme aussi sera sauvée grâce à la création d’un lait de terroir, enfin de quoi valoriser son travail. Et lui permettre de continuer en priant pour qu’il n’y ait pas de sécheresse ou de nouvelle crise du lait. Les élections, elles, quel que soit celui qui l’emporte, ne changeront rien pour lui.
Par Laetitia Monsacré
Diffusé sur France 2, à retrouver sur Pluzz.fr