« A Marseille, gare Saint-Charles (à côté du distributeur de la poste), une dame sans papier avec trois enfants, voudrait une tente et des couvertures, et à manger. Voilà je lui ai promis que j’en parlerai à des gens susceptibles de l’aider. » Solange K., a posté ce commentaire sur la page Facebook du 115 des particuliers dans l’objectif d’utiliser le nouveau mode d’entraide, née sur la toile le 4 février dernier. Un mur virtuel où l’on propose son aide à moins que ce ne soit une demande. Cet élan de solidarité est partie de l’initiative d’une poignée de personnes en relation sur internet, avec cette question : «Pourquoi n’y a-t-il pas de 115 du particulier ? » Face aux sans-abris dans le froid de ces derniers jours et à la lecture du rapport accablant de la fondation Abbé Pierre, Brann du Senon- un des créateurs du mouvement- ainsi qu’une vingtaine d’autres personnes essayent de « palier l’action des pouvoirs public qui est réellement insuffisante surtout en cette période de grand froid». Un travail qui le tient éveillé depuis 12 jours et a soulevé un engouement surprenant aux quatre coins du pays. Alors que la France compte 133 000 SDF, elle manque cruellement de centres d’hébergements d’urgences – 70 000 pour être précis. De son côté, la secrétaire d’État chargée de la santé, Nora Berra recommande, non sans humour, aux sans-abris « d’éviter de sortir de chez eux »!
Entre ras le bol et indignation, Brann du Senon, 51 ans considère avoir déjà réussi au moins à réveiller les consciences. « Les gens ne voyaient pas les sans-abris en bas de chez eux, aujourd’hui ils leur apportent une aide et leur demandent s’ils ont besoin de quelque chose ». Le groupe a même créé des « maraudes citoyennes», destinées à repérer les SDF en difficultés. Au départ constitué d’une poignée de personnes, le 155 du particulier compte désormais autour des 6 000 adhérents sur Facebook. A la question de connaître le nombre de personnes qui ont pu être hébergées et aidées, Brann du Senon préfère ne pas donner de chiffres. « En aider une est déjà une satisfaction ». Il se remémore le cas d’une femme de 68 ans, cherchant simplement une place de parking pour garer sa voiture –dans laquelle elle vit. Un exemple glaçant de la précarité dans laquelle se retrouvent certaines personnes alors qu’elles possèdent un travail, mais pas de caution suffisante pour obtenir un bail.
En cette période de campagne électorale, la question du logement pourrait devenir l’un des enjeux de la présidentielle. Certains politiques ont contacté Brann de Senon peu après la médiatisation de leur initiative. Pour lui, le « mouvement restera apolitique et citoyen ». Et si le concept fonctionne, il reste à nuancer dans son action sur le long terme, estime le Samu Social de Paris dans l’AFP – qui rappelle à la différence des particuliers, avoir une charte de non-abandon. « Quand on s’engage auprès de quelqu’un pour l’aider, on doit aller jusqu’au bout. » Devant cet argument Brann de Senon rappelle simplement qu’ils« colmatent les carences » face à l’état d’urgence. « On ne donne et ne demande pas d’argent, juste un geste de solidarité ». Du simple don de nourritures aux vêtements et couvertures en passant par la promesse d’un toit pour la nuit. « Chacun fixe ses conditions. » L’Abbé Pierre, lui, lançait il y a quelques années « Il ne faut pas attendre d’être parfait pour commencer quelque chose de bien ».