11 février 2012
Plateau télé

Un vendredi soir sur terre, le vent sibérien en plus, les températures proches de zéro. Opéra, cinéma, théâtre, diner au restaurant, bien peu tentants…La télévision est là, au garde à vous, prête à inonder d’images sur un simple clic. Sur TF1, France 2, on mise sur le  rire, les filles maquillées, les jeux et les couleurs criardes, CSP- et cerveaux endoloris. Quelques chaînes plus loin, bienvenu à Wenzhou; là, pas question de rigoler. De cette ville chinoise de 7,5 millions d’habitants, sortent chaque jour des millions de chaussures, celles que l’on trouve chez nous pour moins cher qu’une entrecôte. Les employés dorment à six dans des dortoirs mais sont devenus trop chers-il y a dix ans, c’étaient dix par pièce et par terre. Alors le patron qui roule en Mercedes avec chauffeur et dont la femme tient une de ses usines à Shangaï-ne voyant ses jeunes enfants que le week-end- délocalise déjà  en Afrique.

Bidonvilles et alcoolisme

De quoi gagner encore plus d’argent pour envoyer sa fille étudier aux États-Unis pour qu’elle apprenne à baisser encore plus les coût de fabrication; 5 euros aujourd’hui pour des chaussures revendues 100 euros chez nous et ainsi avec la marge, s’ acheter des sacs Vuitton qui ici, coutent beaucoup plus cher qu’en France- ce qui en fait toute leur valeur. A la périphérie de la ville, une famille avec huit enfants vit dans un bidonville, triant les déchets industriels, le plus souvent toxique et les rejettent dans la rivière tout proche. La mondialisation en trois leçons. Zap, zap,  France 3, voilà la fin de  Thalassa- en Australie; terre volée aux aborigènes tout comme l’Amérique aux Indiens. Massacrés, ceux qui restent ont été parqués dans des no man’s land où l’on a veillé à leur fournir de l’alcool pour les rendre inoffensifs. Résultat 80 % de chômage mais le gentil homme blanc est prêt à les aider, en tous cas le reportage se conclut sur cette note optimiste, émission familiale oblige. Zap, zap, nous voici sur les routes de France avec ceux qui les parcourent à longueur de temps, les chauffeurs routiers. Ils trichent avec leurs disques pour tenir les délais imposés par leur transporteur; pris par la Police, l’amende est, de fait,  pour eux. Alors pour se remettre de cette vie si dure et si injuste, il s’arrêtent dans les routiers où le vin est à volonté. Oui, oui, vous avez bien lu, à volonté. Une tradition qui n’est pas prête de changer vu que jamais aucun restaurateur n’a été inculpé. Pourtant,  ivre mort en sortant de l’un d’ eux, un chauffeur a parcouru avec son semi remorque 45 km avant de traverser l’autoroute et de finir dans les vignes, sans tuer personne.

Bakchich et cannibalisme

L’histoire finit donc bien, ce qui est logique pour  un documentaire, sinon  ça devient un fait divers au journal télévisé. Autre semi remorque, cette fois ci remplis de vaches; 29 heures de route pour arriver à la frontière Biélorusse. Là en comptant huit heures d’attente et des backchich,-environ 300 euros- on passe en Russie où les routes sont pleines de trous et de fous qui doublent- le routier passe à coté d’une voiture fumante, un sac plastique renferment un corps sans même s’émouvoir, la routine. Il faut dire qu’il lui reste encore 15 heures de route et qu’il fait 30°. On imagine l’état des vaches…En conclusion on apprend qu’un routier fait environ 46 heures par semaine. Merci de nous avoir regardé. Zap, zap, pitié un peu de détente…Les nouveaux chefs sont cumulards-Gordon Ramsay, tyran en cuisine a 25 restaurants et dix étoiles à lui tout seul; il est anglais, assisté par un italien et c’est désormais lui qui officie au Petit Trianon, de quoi faire découvrir aux Versaillais que la gastronomie française, c’est dépassé. Question? Servent-ils des crabes d’Alaska, ces géants dont le programme de real Tv « Péril en haute mer « nous montre les conditions effroyables de pêche, en mer démontée de Beiring, de nuit sur des chalutiers où les hommes manquent à chaque seconde de glisser? Black out total, panne d’électricité à bord, il fait nuit, on tremble pour eux, un court circuit, le feu pourrait se déclarer, les lampes torches sont introuvables- publicité. Rezap, France 5, les enfants mineurs incarcérés- « tu voudrais faire quoi dans la vie? »  –Être riche. »Tu voudrais travailler alors? « . -Non. » Tu aimes quoi? « -Rien. L’un d’eux a commencé à 11 ans. La délinquance est-elle dans les gènes? En attendant, il ira en cellule d’isolement pour avoir insulté une éducatrice. « Je deviens fou là- bas, le problème est dans ma tête ». Et le restera, la prison n’est pas là pour cela. Il est presque deux heures, l’heure des documentaires animaliers. Un léopard attaque un bébé babouin. Sa mère veillera le cadavre trois jours durant avant de comprendre que c’est fini. Plus loin, les crocodiles mangent leurs petits et du coté du lion, les lionceaux sont servis en dernier et doivent une fois grandis quitter la fratrie, le lion dominant ne supportant pas la concurrence. Voilà, c’était une soirée sur terre et des échantillons de la douceur d’y vivre…

 

Par Laetitia Monsacré

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