« Toute journée où l’on n’a pas au moins dansé une fois est perdue» .Suivez l’exemple de Nietzsche et courez au Centre Pompidou voir cette exposition vertigineuse qui regroupe près de 450 œuvres : installations, performances, peintures, sculptures, vidéos, dessins, s’entrecroisent dans un parcours ayant pour but de mettre en scène le lien et le dialogue incessant entre la danse et les autres arts, de retracer son évolution. Pivot de la révolution esthétique moderne, tour à tour figurative, abstraite, expérimentale, élitiste, populaire, la danse n’a cessé de transmuter ses propres formes et de les réinventer de façon spectaculaire, pour devenir un art capable d’englober tous les autres et d’exprimer un message universel. L’exposition conçue de façon thématique et transversale, suit une chronologie flottante, qui peut sembler complexe et déroutante pour le spectateur non averti, car elle nécessite un effort de réflexion. Objection toutefois réfutable: vous pouvez choisir de vous laisser happer par la séduction des images, et parcourir les salles au gré de votre inspiration, si vous n’êtes pas un spécialiste. .. Danser sa vie L’histoire de la danse moderne commence avec des pionniers, comme Nijinski dans : « l’Après- midi d’un faune » en 1912-visible en vidéo, ou Isadora Duncan, qui la définit ainsi : « Mon art est précisément un effort pour exprimer en gestes et en mouvements la vérité de mon être. Dès le début je n’ai fait que danser ma vie ». Matisse dont : « La danse de Paris » (1931) inaugure l’exposition, aurait pu tenir des propos similaires ! Avec la naissance de l’expressionisme, en Allemagne et en Suisse, une subjectivité dionysiaque apparait dans tous les arts. Emile Nolde, Ludwig Kirchner, Gret Palucca, inventent des formes et des pratiques nouvelles qui mettent en scène le corps traversé par la pulsion de vie et de mort. L’œuvre de Pina Bausch- le Sacre du printemps est présenté en salle vidéo- s’inspire entièrement de cette idée. Le tournant vers l’abstraction advient avec la révolution technologique. Dès 1917, FilipoTommaso Marinetti théorise un manifeste de la danse futuriste. Un art qui dépasse le cadre classique du ballet et devient une « image mouvement. » Art et danse En effet la danse évolue avec son temps et intègre de nouveaux paramètres comme par exemple le mouvement cinétique, en peinture avec Sonia Delaunay, Loie Fuller (1897) et sa « danse serpentine » . En 1922 Oskar Schlemmer préconise une danse abstraite : « une création née d’elle- même qui se suffit à elle-même. »Idée reprise par les avant-gardes, du dadaïsme au Bauhaus, qui entretiennent avec la danse un lien étroit et y puisent des formes nouvelles pour exprimer leur vision de la modernité. Les arts et la danse se nourrissent l’un l’autre, et donnent naissance à des œuvres polymorphes. Ainsi Nicolas Schöffer (1956) intègre danseurs et sculptures cybernétiques dans une sorte d’étrange ballet où les énergies de l’homme et de la machine s’interpénètrent. Dans les années 40, la danse fusionne avec les arts visuels avec la naissance du concept de performance. Aux Etats-Unis, Merce Cunningham, Warhol, ou Rauschenberg travaillent de concert. Avec la naissance du groupe Fluxus, dans les années 60, certains artistes comme Yvonne Rainer ou Trisha Brown, se définissent autant comme plasticiens que comme chorégraphes. La danse devient alors autant un miroir social que collectif, c’est-à-dire un art populaire. C’est sans doute son ultime révolution. La vidéo de Jérôme Bel qui clôt le parcours résume bien cette idée. On y voit un groupe de jeunes, aussi stéréotypés dans leurs gestes que dans leurs looks, danser ensemble de façon anarchique au rythme d’une musique techno. Symbole d’une post modernité où la danse symbolise à la fois l’expression de la subjectivité et la modernité technologique et sociale.
Par Anouchka d’Anna
Au Centre Pompidou, jusqu’au 2 avril